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Coûts de refinancement des banques: état des lieux du point de vue de la politique monétaire

13 novembre 2025
Petra Tschudin, membre de la Direction générale
Thomas Moser, membre suppléant de la Direction générale
Apéritif "Marché monétaire", Genève

Résumé

Depuis début 2024, la BNS a abaissé son taux directeur de 1,75 point. Il en a résulté une baisse des taux d'intérêt sur les marchés financiers et sur le marché du crédit. Les coûts de refinancement des banques - mesurés par les écarts de swap - ont néanmoins augmenté. Cela s'explique principalement par trois facteurs: l'accroissement des rendements des obligations d'État étrangères par rapport aux taux de swap correspondants; la transformation structurelle observée dans le secteur bancaire suisse depuis le rachat du Credit Suisse par UBS; et les développements rendant plus exigeante la gestion des liquidités par les banques. Ces trois facteurs ont entraîné un accroissement des primes de liquidité, tandis que les primes de crédit sont restées inchangées. Malgré la hausse des coûts de refinancement, la croissance du crédit reste robuste en Suisse. L'abaissement du taux directeur de la BNS déploie ainsi comme prévu ses effets, également par l'intermédiaire du marché du crédit.

Mesdames et Messieurs,

Mon collègue Thomas Moser et moi-même vous souhaitons la bienvenue à notre traditionnel Apéritif "Marché monétaire" qui se tient aujourd'hui à Genève. Je me réjouis que vous soyez aussi nombreux à avoir répondu à notre invitation. Notre exposé porte sur les coûts de refinancement des banques sur les marchés financiers suisses. Il sera suivi comme d'habitude d'une discussion.

Depuis notre dernier exposé il y a un an, nous avons abaissé notre taux directeur d'un point. La baisse depuis début 2024 est quant à elle de 1,75 point. Elle s'est répercutée sur les taux du marché1. Les taux ont en effet reculé en conséquence sur les marchés financiers et le marché du crédit, et il en a résulté une baisse des charges d'intérêts supportées par les emprunteuses et emprunteurs en Suisse.

Dans le même temps, nous constatons que la baisse des taux auxquels les banques se refinancent sur les marchés financiers a été moins marquée. Il en résulte une hausse des coûts relatifs de refinancement2 des banques. Cette hausse peut avoir des effets à la fois sur le coût du crédit et sur l'octroi de prêts.

Comme notre politique monétaire agit entre autres par l'intermédiaire du marché du crédit, nous allons examiner plus précisément ce phénomène. Nous allons aborder deux questions. D'abord, quels sont les facteurs qui expliquent cet accroissement des coûts de refinancement? Ensuite, quelles en sont les conséquences pour l'octroi de prêts et pour l'efficacité de la politique monétaire?

Le rôle du refinancement sur les marchés financiers

Avant de nous pencher sur ces questions, j'aimerais évoquer brièvement le rôle central du refinancement des banques sur les marchés financiers.

Lorsqu'une banque accorde un prêt, le montant est crédité sur le compte de l'emprunteur. Il est inscrit comme créance sur l'emprunteur à l'actif du bilan de la banque, et comme engagement de la banque au passif de son bilan, en tant que dépôt de la clientèle (voir graphique 1a). Lorsque l'emprunteur utilise ce dépôt pour effectuer un paiement, le montant est débité de son compte et crédité sur celui du bénéficiaire. Si celui-ci est client d'une autre banque, l'opération entraîne un transfert entre les deux banques par l'intermédiaire de leurs avoirs à vue à la BNS. La banque qui a octroyé le prêt transfère des liquidités à la banque du bénéficiaire sous la forme d'avoirs à vue à la BNS (voir graphique 1b).

Une banque doit veiller à disposer de liquidités suffisantes pour honorer tous ses engagements, par exemple ceux qui résultent des paiements de la clientèle. En d'autres termes, elle doit s'assurer de demeurer solvable en tout temps. À cette fin, elle doit disposer d'une base solide pour financer les prêts qu'elle octroie. Trois principales sources s'offrent à elle:

  • D'abord, les dépôts de la clientèle: il s'agit de dépôts à vue ou d'épargne. C'est généralement la source la moins onéreuse. La banque peut accroître le volume de ses dépôts, par exemple en adaptant ses conditions.
  • Deuxièmement, le marché monétaire: en cas de besoin à court terme, la banque peut obtenir des liquidités rapidement et de manière souple sur le marché interbancaire ou auprès d'autres acteurs des marchés financiers.
  • Troisièmement, le marché des capitaux: la banque peut émettre des lettres de gage ou des obligations bancaires afin de se procurer d'importants volumes de liquidités (voir graphique 1c). Elle peut ainsi gérer activement ses liquidités sur le long terme3.

En règle générale, les banques font usage de toutes les sources de refinancement disponibles. Elles visent à maintenir un profil de refinancement équilibré qui convienne au mieux à leur modèle économique et à la situation sur le marché. Dans la suite de cet exposé, nous allons nous concentrer sur les coûts de refinancement sur le marché monétaire et sur le marché des capitaux.

Facteurs déterminant les coûts de refinancement

Lorsqu'une banque se refinance, elle s'acquitte d'un intérêt auprès des acteurs qui mettent des liquidités à sa disposition. Cet intérêt correspond au taux de refinancement de la banque. Il comprend quatre éléments (voir graphique 2):

  1. les anticipations de taux à court terme pendant la durée du refinancement,
  2. une prime de terme destinée à compenser l'incertitude qui entoure l'évolution des taux d'intérêt et de l'inflation,
  3. une prime de crédit destinée à compenser le risque de défaut de la banque emprunteuse4 et
  4. une prime de liquidité, qui reflète la négociabilité de l'instrument de refinancement et les coûts de financement des prêteurs, qui sont notamment liés à des restrictions en matière de bilan et de placements5. En d'autres termes, lorsque, par exemple, une banque émet un titre et que les souscripteurs potentiels sont soumis à des restrictions, la banque émettrice doit offrir une prime de liquidité plus importante et donc verser des intérêts plus élevés6.

Pour estimer le coût de refinancement d'une banque, il faut déterminer les primes spécifiques à cet établissement et aux instruments de refinancement. Autrement dit, le coût de refinancement correspond à la majoration de taux d'intérêt que la banque paie en plus des anticipations de l'évolution des taux et de la prime de terme. Les anticipations de taux et la prime de terme sont couramment mesurées par le taux des swaps. Il s'agit du taux fixe échangé contre un taux variable du marché monétaire tel que le SARON sur le marché des dérivés. Comme la valeur nominale sous-jacente n'est pas échangée dans le cadre d'un swap de taux d'intérêt, le taux de swap ne comprend ni la prime de crédit ni la prime de liquidité7.

La différence entre le taux de refinancement et le taux de swap correspond donc aux primes de crédit et de liquidité spécifiques à l'instrument. Cette différence est appelée écart de swap. Elle est couramment utilisée pour mesurer les coûts de refinancement. L'écart de swap fait directement apparaître les coûts supplémentaires que les banques supportent pour leur refinancement, en plus de ceux qui résultent des anticipations de taux et de la prime de terme. Cet indicateur permet donc de comparer les coûts de refinancement sur une période donnée, entre différentes durées ou entre différents instruments de refinancement (comme les lettres de gage ou les obligations bancaires).

Comment les coûts de refinancement ont-ils évolué ces derniers temps? Entre mi-2023 et fin 2024, les écarts de swap se sont fortement accrus pour différents instruments financiers (voir graphique 3). En d'autres termes, les rendements d'emprunts tels que les lettres de gage ont moins diminué durant cette période que les taux de swap. Une augmentation comparable des écarts de swap a également été observée sur le marché des obligations bancaires et pour les opérations non gagées sur le marché monétaire. Les écarts de swap ont reculé ces derniers temps, mais ils restent élevés.

Par exemple, l'écart de swap pour les lettres de gage à dix ans dépassait 40 points de base (pb) sur le marché secondaire en novembre 2024. En moyenne sur dix ans, il était d'environ 20 pb. Il s'élevait récemment à environ 30 pb, soit toujours quelque 10 pb au-dessus de sa moyenne sur dix ans.

Facteurs pouvant expliquer l'augmentation des coûts de refinancement

Quels sont les facteurs qui expliquent l'augmentation des écarts de swap, et donc des coûts de refinancement? Il y en a plusieurs, et leur importance peut varier selon la banque et selon l'instrument. Nous allons nous concentrer ici sur trois facteurs (voir graphique 4): premièrement, l'accroissement des rendements des obligations d'État étrangères par rapport aux taux de swap correspondants; deuxièmement, la transformation structurelle enregistrée sur le marché bancaire suisse depuis le rachat du Credit Suisse par UBS; et troisièmement, les développements qui rendent plus exigeante la gestion des liquidités par les banques.

Ces trois facteurs ont entraîné un accroissement de la prime de liquidité qui s'est répercuté sur les instruments de refinancement. Comme la solvabilité des banques et des établissements de lettres de gage est restée stable en Suisse, nous pouvons pratiquement exclure que la progression des écarts de swap soit le résultat d'une augmentation de la prime de crédit.

1er facteur: la hausse des rendements des obligations d'État par rapport aux taux de swap

Depuis mi-2023, les écarts de swap des obligations d'État étrangères, c'est-à-dire leur rendement par rapport aux taux de swap, ont fortement progressé (voir graphique 5, à gauche)8. Cette évolution a deux explications. D'une part, dans le cadre de leur resserrement quantitatif, les banques centrales se sont retirées du marché des obligations d'État. Ce marché a ainsi été privé d'un acteur dont la demande était importante et peu élastique au prix. Les banques centrales ont été remplacées par des entités privées dont la demande est bien plus élastique et qui n'étaient disposées à souscrire aux emprunts d'État qu'en échange d'une meilleure rémunération. D'autre part, l'augmentation de la dette publique a considérablement accru l'offre d'obligations d'États étrangères, ce qui a pesé sur les cours et entraîné une hausse des rendements9.

En Suisse, la BNS n'a pas vendu d'obligations de la Confédération, et le déficit budgétaire de la Confédération n'a pas non plus augmenté10. Mais les développements enregistrés à l'échelle mondiale se sont répercutés sur les rendements des obligations de la Confédération, notamment par l'intermédiaire des opérations d'arbitrage de taux et de l'allocation internationale de portefeuille. Si par exemple le rendement des obligations d'État allemandes augmente plus que celui des obligations de la Confédération, ces dernières perdent en attractivité et sont moins demandées sur le marché. Il en résulte une baisse de leur cours et un accroissement de leur rendement11.

Les effets de transmission décrits ne se limitent pas à l'influence des rendements étrangers sur ceux des obligations de la Confédération, mais s'appliquent également au sein d'une même zone monétaire (voir graphique 5, à droite). Si l'écart de swap des obligations d'État s'élargit, il en résulte souvent un accroissement de l'écart de swap d'autres types d'emprunts, tels que les lettres de gage ou les obligations bancaires. En vertu de ce mécanisme, un accroissement de l'écart de swap des obligations d'État étrangères entraîne une hausse des écarts de swap des obligations de la Confédération et une augmentation des coûts de refinancement des banques.

2e facteur: la transformation structurelle du secteur bancaire suisse

En 2023, le rachat du Credit Suisse par UBS a entraîné une transformation structurelle du secteur bancaire, qui s'est répercutée sur le marché du crédit dans notre pays. Ainsi, le nombre de clients ayant établi de nouvelles relations de crédit avec des banques axées sur le marché intérieur a fortement augmenté. Cette évolution résulte notamment d'un souci de diversification de la part de la clientèle qui entretenait auparavant des relations avec chacune des deux grandes banques. Cette clientèle a pu chercher à réduire sa dépendance à la seule grande banque restante. Mais d'autres facteurs peuvent également avoir joué un rôle, tel que l'ajustement des conditions de crédit au risque pour la clientèle de l'ancien Credit Suisse dans le cadre de l'intégration avec UBS12.

Ce changement structurel a conduit à un transfert de l'activité d'octroi de prêts vers les banques axées sur le marché intérieur (voir graphique 6, à gauche). Nos discussions avec les acteurs du marché font apparaître que le volume des prêts octroyés par certaines de ces banques a bien plus augmenté que les dépôts de leur clientèle. Ces établissements ont donc besoin de recourir davantage au marché des capitaux pour se refinancer. Comme beaucoup de banques axées sur le marché intérieur sont peu, voire pas du tout, représentées à l'étranger - contrairement à ce qui était le cas du Credit Suisse -, le cercle de leurs investisseurs potentiels est plus restreint. Cela a d'autant plus accru le besoin de refinancement sur le marché des capitaux suisse.

Le besoin de refinancement accru des banques se reflète dans le volume d'émission des obligations bancaires et des lettres de gage (voir graphique 6, à droite). Ce volume a continuellement augmenté ces dernières années et devrait avoir contribué à creuser l'écart de swap pour les lettres de gage et les obligations bancaires.

3e facteur: une gestion des liquidités plus exigeante

Le respect du ratio de liquidité à court terme (liquidity coverage ratio, LCR) est au centre de la gestion des liquidités des banques13. Celles-ci doivent disposer de suffisamment d'actifs liquides de haute qualité (high quality liquid assets ou HQLA) pour pouvoir honorer leurs engagements à court terme en cas de crise. Les HQLA comprennent les avoirs à vue détenus auprès de la banque centrale ainsi que les obligations d'État et d'autres titres liquides de haute qualité. En Suisse, les avoirs à vue constituent une grande partie des HQLA.

Au cours des derniers trimestres, trois développements ont rendu la gestion des liquidités plus exigeante pour les banques et contribué à une augmentation des écarts de swap par le biais d'une prime de liquidité plus importante.

Premièrement, l'offre de HQLA disponibles a reculé. En effet, la BNS a vendu des devises à la suite du resserrement de sa politique monétaire jusqu'à fin 202314. Ces opérations ont entraîné une diminution des avoirs à vue détenus par les banques à la BNS, et donc un recul de leurs HQLA15. En outre, la BNS a renforcé l'exigence en matière de réserves minimales à compter du 1er juillet 202416. Les banques doivent garder en permanence des avoirs à vue pour satisfaire cette exigence, y compris en situation de crise. Ces avoirs à vue ne peuvent donc pas entrer dans le calcul du LCR. Il en a résulté un recul du volume des HQLA pouvant être pris en compte.

Deuxièmement, les banques d'importance systémique sont soumises depuis janvier 2024 à des exigences plus strictes en matière de liquidités17. Ces exigences garantissent une meilleure résilience de ces établissements face aux chocs de liquidités, comme le prescrit la loi sur les banques. Elles ont aussi accru les besoins de ces établissements en HQLA ainsi qu'en financements à long terme.

Le troisième élément réside dans la courbe des taux d'intérêt, qui est actuellement assez plate. Les taux à long terme ne dépassent guère ceux à court terme. Pour les banques, il en résulte que les échéances ont tendance à se raccourcir au passif de leur bilan. Dans une telle situation, les agents économiques préfèrent en effet les dépôts à vue et tendent à éviter les placements à plus long terme comme les dépôts à terme fixe ou les obligations bancaires. Un tel raccourcissement des échéances au passif des bilans affaiblit le LCR des banques.

Dans ce contexte, les banques ont cherché à accroître leurs HQLA et à davantage axer leur structure de refinancement sur le long terme. Dans certains cas, elles ont dû procéder à des ajustements pour satisfaire aux exigences en matière de liquidités. Toutefois, nos discussions avec les acteurs du marché montrent que souvent les banques ont pris ces mesures pour maintenir leurs excédents de liquidités constants malgré le renforcement des exigences. Il y a donc toujours un excédent de HQLA dans le système bancaire suisse. Son niveau est comparable à celui de 2022 (voir graphique 7).

La concurrence accrue entre banques pour le financement à plus long terme des HQLA a contribué à la pression à la hausse sur les primes de liquidité - et donc sur les écarts de swap des marchés de refinancement. En outre, l'augmentation de la demande de financements à long terme a également été perceptible dans les opérations non gagées du marché monétaire. Les écarts de swap pour des instruments dont les échéances sont supérieures à 90 jours y ont nettement augmenté depuis 2024 (voir graphique 8).

Perspectives pour les coûts de refinancement sur les marchés financiers suisses

Comment la situation va-t-elle évoluer (voir graphique 9)? Actuellement, l'environnement international ne laisse pas présager de recul rapide des coûts de refinancement. Les banques centrales ont certes récemment ralenti leur resserrement quantitatif, c'est-à-dire réduit le rythme de leurs ventes de titres18. Mais le besoin élevé de financement des États va à l'encontre de la réduction de l'écart entre les rendements des obligations d'État et les taux de swap correspondants19.

De même, la transformation structurelle du secteur bancaire suisse résultant de l'acquisition du Credit Suisse par UBS devrait se poursuivre encore un certain temps. Certains signes indiquent que des ajustements sont en cours et que les vides laissés par la disparition du Credit Suisse sont en train d'être comblés - non seulement par les banques axées sur le marché intérieur, mais aussi par de nouveaux acteurs tels que des banques étrangères. Nous observons en outre que de nombreux établissements élargissent leurs sources de refinancement, par exemple en levant aussi des fonds à l'étranger. Ces ajustements demandent toutefois des efforts et du temps.

Les ventes de devises effectuées par la BNS en 2022 et en 2023, le relèvement des réserves minimales et le durcissement des exigences en matière de liquidités à l'égard des banques d'importance systémique ont durablement modifié la gestion des liquidités par les banques. Là encore, des sources de financement supplémentaires peuvent toutefois contribuer à atténuer la pression à la hausse sur les coûts de refinancement.

Dans les faits, la situation s'est quelque peu détendue au cours des derniers mois: pour les opérations non gagées du marché monétaire ainsi que sur le marché des lettres de gage, les écarts de swap ont diminué. Les ajustements évoqués paraissent donc bien avancés.

Importance pour l'approvisionnement en crédit et la politique monétaire

Du point de vue de la BNS, deux questions se posent: quels sont les effets de l'augmentation des coûts de refinancement sur l'octroi de prêts bancaires et les taux appliqués; et quel est l'impact de ces effets sur la transmission de notre politique monétaire?

Examinons d'abord les prêts. Pour les banques, la marge d'intérêt constitue une source de revenus essentielle. Il s'agit de la différence entre les taux d'intérêt qu'elles perçoivent sur les prêts octroyés et les taux auxquels elles se refinancent. Cette marge se réduit si les coûts de refinancement augmentent, c'est-à-dire si l'écart se creuse entre le taux de refinancement et le taux de swap. Pour maintenir cette marge, les banques peuvent relever les taux de leurs prêts par rapport aux taux de swap.

Nous constatons de fait que l'écart s'est creusé, depuis 2024, entre les taux de différents types de prêts et les taux de swap. Pour les taux hypothécaires publiés, l'écart de swap moyen a ainsi augmenté d'environ 20 pb (voir graphique 10).

Les banques doivent non seulement s'efforcer de préserver leur marge d'intérêt, mais aussi veiller à respecter les exigences réglementaires en matière de liquidités. Elles peuvent y parvenir en restreignant l'octroi de prêts: freiner de manière ciblée la croissance du crédit leur permet de réduire leur besoin de refinancement.

Or nous constatons que la croissance du crédit est restée globalement robuste en Suisse. Actuellement, le volume des prêts hypothécaires, qui représente plus de 85% de l'ensemble du crédit, croît d'environ 3%. Cette évolution correspond aux prévisions établies à partir de nos modèles. Les données disponibles ne présentent aucun signe de resserrement du crédit à l'échelle du pays20.

Qu'est-ce que cela signifie pour la politique monétaire de la BNS? Les abaissements de notre taux directeur ont conduit à une baisse sensible des taux (voir graphique 11, à gauche). Cela vaut à la fois pour les taux de refinancement et pour les taux des prêts - même si la différence entre ces taux et les taux de swap affiche une hausse. Cette évolution montre que la transmission de notre politique monétaire par le marché du crédit fonctionne21. Par la suite, la croissance du crédit s'est accélérée en conséquence (voir graphique 11, droite). Ainsi, l'assouplissement de notre politique monétaire déploie l'effet escompté.

Conclusion

Résumons notre exposé. Les coûts de refinancement des banques mesurés par les écarts de swap ont nettement augmenté ces derniers trimestres. Plusieurs facteurs expliquent cette évolution: l'augmentation des écarts de swap pour les obligations d'État dans le reste du monde, la transformation structurelle du secteur bancaire suisse, ainsi que divers développements rendant plus exigeante la gestion des liquidités par les banques.

Malgré la hausse des coûts de refinancement des banques, la croissance du crédit reste robuste en Suisse. De plus, notre politique monétaire déploie ses effets sur le marché du crédit: l'assouplissement mis en oeuvre depuis début 2024 a ainsi entraîné une baisse des taux d'intérêt sur les marchés financiers et sur le marché du crédit, et une reprise de l'octroi de prêts, contribuant à assurer la stabilité des prix en Suisse. Ainsi, l'efficacité de notre politique monétaire reste intacte. 

Bibliographie

Baeriswyl, Freitag et Ganarin (2025), "Robust bank lending in a changing credit market environment", SNB Economic Note n° 13/2025.

Banque des Règlements Internationaux (2024), "Negative interest rate swap spreads signal pressure in government debt absorption", BIS Quarterly Review, décembre 2024.

BNS (2024), "La Banque nationale renforce l'exigence en matière de réserves minimales", communiqué de presse du 22 avril 2024.

BNS (2025), Rapport sur la stabilité financière 2025.

BNS (2025a), Bulletin trimestriel 1/2025, mars 2025.

Brunnermeier et Pedersen (2009), "Market Liquidity and Funding Liquidity", The Review of Financial Studies, volume 22, n° 6, juin 2009, pp. 2201-2238.

Conseil fédéral (2022), "Banques d'importance systémique: le Conseil fédéral adopte des modifications de l'ordonnance sur les liquidités", communiqué de presse du 3 juin 2022.

Martin et Moser (2024), "Politique monétaire de la BNS: mise en oeuvre et transmission durant le récent cycle de resserrement", Apéritif "Marché monétaire", 18 avril.

Réserve fédérale (2025), "Federal Reserve Balance Sheet Developments", mai 2025.

Réserve fédérale (2025a), Monetary Policy Report, juin 2025.

Trésorerie fédérale (2025), Rapport d'activité 2024, mars 2025.

  1. Les intervenants remercient Dirk Faltin et Christian Myohl pour leur contribution à la rédaction du présent exposé, Romain Baeriswyl, Maja Ganarin, Sylvie Golay Markovich, Christoph Hirter, Kerstin Kehrle, Damien Klossner, Joséphine Molleyres, Reto Nyffeler, Nicole Rütti et Michael Schäfer pour leurs judicieux commentaires, Tim Gasser pour son aide lors de la conception des graphiques et les services linguistiques de la BNS.
  2. Sur la transmission du taux directeur aux taux des marchés financiers, voir Martin et Moser (2024).
  3. Dans le présent exposé, le terme "coûts de refinancement" se réfère à la différence entre le taux auquel les banques se refinancent et le niveau général des taux.
  4. Il existe d'autres sources de refinancement, telles que la vente de créances à d'autres intervenants sur les marchés financiers, par exemple par la titrisation.
  5. Cette prime compense à la fois le risque de défaut anticipé et l'incertitude caractérisant ce risque de défaut.
  6. Les investisseurs institutionnels tels que les caisses de pensions et les assureurs sont soumis à différentes restrictions en matière de bilan et de placements, telles que des plafonds pour certaines catégories de placements, des prescriptions en matière de diversification, et des exigences en matière de solvabilité et de liquidité.
  7. Voir Brunnermeier et Pedersen (2009), pages 2202-2203.
  8. Les taux du marché monétaire pertinents pour les swaps de taux d'intérêt, tels que le SARON, reflètent le risque de crédit moyen sur le marché interbancaire. Le SARON étant couvert par des placements liquides et de haute qualité, le risque de crédit est négligeable dans les swaps basés sur ce taux.
  9. Généralement, l'écart de swap pour les obligations d'État est égal à la différence entre le taux de swap et le rendement des obligations d'État de même durée (écart de swap = taux de swap - rendement des obligations d'État). Dans le présent exposé, par analogie avec la définition des coûts de refinancement des banques, l'écart de swap pour les obligations d'État est défini comme la différence entre le rendement de ces dernières et le taux de swap.
  10. Voir Banque des Règlements Internationaux (2024).
  11. La BNS a resserré sa politique monétaire en réduisant ses réserves de devises, ce qui a contribué à accroître l'offre de titres en monnaies étrangères.
  12. Voir Trésorerie fédérale (2025), page 11.
  13. Voir BNS (2025), page 16 et BNS (2025a), page 31.
  14. En combinaison avec l'ordonnance sur les liquidités, la loi fédérale sur les banques oblige les établissements à assurer une gestion professionnelle de leurs liquidités. Il y a deux indicateurs à respecter en matière de liquidités: le ratio de liquidité à court terme précité et le ratio structurel de liquidité à long terme (net stable funding ratio, NSFR). Les exigences en termes de NSFR limitent la dépendance aux liquidités à court terme en imposant des structures de financement stables pour les créances de la banque à long terme.
  15. Parallèlement, certains facteurs ont néanmoins entraîné, dans une moindre mesure, une augmentation des HQLA au sein du système bancaire: le recul des billets en circulation, les versements d'intérêts par la BNS et la distribution d'un bénéfice à la Confédération et aux cantons. Il en est de même pour le versement d'une aide extraordinaire sous forme de liquidités, même si la compensation qui en a résulté n'a été que temporaire. Cette combinaison de facteurs a exercé un effet inverse à celui des ventes de devises.
  16. Les avoirs à vue détenus à la BNS, qui constituent des HQLA, demeurent très élevés en comparaison internationale, même après la réduction du bilan. Les "autres options de liquidité" (ou alternative liquidity approaches, ALA) permettent également aux banques suisses de satisfaire aux exigences du LCR en francs: ces options permettent aux établissements bancaires de comptabiliser des HQLA libellés en monnaies étrangères ou des HQLA supplémentaires de la catégorie 2a (lettres de gage). Elles ont été expressément conçues pour les zones monétaires dans lesquelles l'offre de HQLA ne peut pas être suffisante sans les avoirs à vue détenus à la banque centrale.
  17. Voir BNS (2024): La BNS renforce l'exigence en matière de réserves minimales.
  18. Voir Conseil fédéral (2022): news.admin.ch/fr/nsb?id=89132.
  19. Voir par exemple Réserve fédérale (2025), page 5, et Réserve fédérale (2025a), page 37. En octobre, la Réserve fédérale des États-Unis a décidé de suspendre entièrement son resserrement quantitatif à compter du mois de décembre.
  20. En Suisse, les écarts de swap pour les obligations d'État ont sensiblement reculé durant l'année en cours. Cela peut s'expliquer par le fait que les placements en francs sont davantage perçus comme des valeurs refuge.
  21. On constate toutefois une certaine retenue dans des segments complexes ou pour certains types d'emprunteurs. Voir Baeriswyl, Freitag et Ganarin (2025).
  22. La politique monétaire agit non seulement par le canal du crédit, mais aussi par d'autres canaux, dont le cours de change.

Autrices/auteurs

  • Petra Tschudin
    membre de la Direction générale

  • Thomas Moser
    membre suppléant de la Direction générale

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