Les répercussions de la dette souveraine sur l'indépendance de la politique monétaire

Thomas Jordan, vice-président de la Direction générale

21e édition de l'Internationales Europa Forum Luzern, Lucerne, 08.11.2011

Les banquiers centraux ne sont pas responsables de la politique budgétaire. Ils doivent pourtant s'intéresser à l'évolution des finances publiques. L'actuelle crise financière et de la dette vient nous rappeler que des finances publiques fragiles peuvent compromettre à long terme l'indépendance de la politique monétaire. Car lorsqu'elle doit faire face à un endettement excessif, la politique budgétaire risque de ne plus être apte ou disposée à assumer ses tâches. La tentation est alors grande de confier cette responsabilité à la banque centrale, supposée capable de résoudre tous les problèmes en faisant marcher la planche à billets. Dans une telle situation, les pressions politiques ou une simple pesée d'intérêts forcent la banque centrale à contribuer au financement de l'Etat ou à prendre des mesures quasi budgétaires. Il peut en résulter une perte subreptice de son indépendance effective, voire même, à l'extrême, une abolition de son indépendance juridique. Or seule une banque centrale indépendante est à même de poursuivre de manière crédible son objectif, qui est d'assurer la stabilité des prix.

La dette publique est bien moins lourde en Suisse que dans d'autres pays comparables. Le frein à l'endettement a joué un rôle important à cet égard: il est capital pour la politique monétaire, dont il contribue à garantir l'indépendance. Axer les politiques monétaire et budgétaire sur la stabilité a permis de limiter les retombées de la crise sur l'économie suisse. Toutefois, les événements des deux dernières années ont montré que la politique monétaire d'une petite économie ouverte est aussi tributaire d'une politique budgétaire saine à l'étranger. La crise de la dette et la manière dont les marchés l'ont perçue ont fortement entravé la conduite de la politique monétaire en Suisse. Pour remplir son mandat, la Banque nationale a dû recourir à d'importantes mesures comme, par exemple, l'introduction d'un cours plancher entre le franc et l'euro.