La Suisse, une île dans la zone euro?

Jean-Pierre Roth, président de la Direction générale

Banque centrale de Grèce, Athènes, 21.05.2004

L'introduction de l'euro, le 1er janvier 1999, a constitué une véritable révolution pour l'Europe. Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, elle a peut-être été l'étape la plus importante dans le processus d'intégration européen. Cette modification fondamentale a été une expérience historique non négligeable pour la Suisse également, pays fortement relié au monde, qui se trouve pour la première fois au milieu d'une zone monétaire homogène. Des réserves ont été émises notamment au sujet des répercussions de l'euro sur le franc suisse et de l'efficacité de la politique monétaire suisse.

Notre inquiétude quant à une déstabilisation du franc suisse par l'euro s'est avérée infondée. Au contraire, le franc suisse semble moins fortement frappé par des chocs venant des cours de change et plutôt mieux protégé des mouvements spéculatifs. L'introduction de l'euro a contribué à stabiliser le système monétaire international et, de ce fait, des monnaies tierces – hors du bloc euro/dollar – ont pu bénéficier de cette situation. En amortissant des chocs venant des cours de change, l'euro contribue également à la stabilisation du total des exportations de pays qui ont des échanges commerciaux aussi bien avec l'UE qu'avec les Etats-Unis.

De même, le scénario de la perte d'autonomie de la Banque nationale suisse en matière de politique monétaire ne s'est pas réalisé. Les besoins de la Suisse sur le plan de la politique monétaire - pays dont l'économie est largement ouverte sur les marchés mondiaux et qui a un taux d'inflation nettement inférieur à ceux des pays de la zone euro – divergent sensiblement des besoins de ces derniers. La Banque nationale suisse, en tant que banque centrale au bénéfice d'une crédibilité élevée et pouvant afficher des succès dans la lutte contre le renchérissement (faible niveau), a pu réagir rapidement à l'affaiblissement de l'économie mondiale. Il en a découlé que les "spreads" entre les emprunts en francs suisses et en euros se sont mêmes creusés. La Suisse a ainsi été en mesure de garder l'avantage que lui donne des taux d'intérêt plus bas qu'à l'étranger et de continuer à mener une politique monétaire autonome et souple, qui est orientée sur les besoins de son économie.