La communication, un élément important pour la réalisation du mandat de la BNS
Résumé
La BNS accorde une grande importance au fait d’expliquer son action, que ce soit au Conseil fédéral, à l’Assemblée fédérale ou au grand public. La communication nous aide à accomplir notre mandat, qui est d’assurer la stabilité des prix. À cette fin, nous présentons des exposés, organisons des conférences de presse ou publions des rapports et documents de tout type. Nous avons adapté notre manière de communiquer au fil du temps. Nous avons par exemple doublé la fréquence des conférences de presse et mis en place de nouvelles publications. Notre communication continue d’évoluer. Nous allons désormais publier une synthèse de nos discussions de politique monétaire. Ce nouvel élément de notre communication reprendra les principaux points des discussions menées au sein de la Direction générale au cours des deux jours précédant la décision de politique monétaire. Nous entendons ainsi mieux faire comprendre la manière dont nous mettons en œuvre notre stratégie de politique monétaire dans une situation donnée.
Consulter le document
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi tout d’abord d’exprimer ma gratitude à l’Association tessinoise des banquiers pour m’avoir convié à l’événement d’aujourd’hui. Ce type de rencontre nous permet de prendre le pouls de l’économie en accédant à des informations de première main. Il est pour nous essentiel de connaître la réalité du terrain. Comment les exportateurs font-ils face aux nouveaux droits de douane? Quelles sont les innovations les plus prometteuses dans le secteur financier? Quelle est l’influence de l’intelligence artificielle sur le travail? Afin de saisir au mieux les enjeux résultant de ces questions, nos déléguées et délégués aux relations avec l’économie régionale mènent tout au long de l’année des entretiens avec près d’un millier d’entreprises. Les membres de notre Direction générale rendent eux aussi régulièrement visite à différentes organisations et associations dans toute la Suisse.
Ces visites nous permettent non seulement de recueillir des avis d’expertes et d’experts issus de différents secteurs et de sonder l’avis du public, mais aussi d’expliquer la raison d’être de notre travail. Il est en effet important pour nous d’être compris, et pas seulement par les spécialistes du marché. Ces derniers doivent, bien entendu, comprendre notre politique monétaire et la façon dont nous la mettons en œuvre. Mais il nous importe aussi grandement d’expliquer notre action au Conseil fédéral, à l’Assemblée fédérale et au grand public. Nous aspirons à communiquer avec transparence nos objectifs et la façon dont nous les réalisons.
Mon exposé du jour portera sur notre communication, sur la façon dont nous l’avons adaptée au fil du temps et sur la manière dont nous continuons de la développer.
L’évolution de notre communication au fil du temps
Il fut un temps où les banques centrales étaient beaucoup plus discrètes qu’aujourd’hui. Avant les années 1990, elles ne s’exprimaient presque jamais en public. Lorsqu’il leur arrivait de le faire, elles restaient souvent vagues. On pensait alors que la politique monétaire était plus efficace si les marchés étaient pris par surprise.
La Banque nationale suisse (BNS) tint quant à elle sa première conférence de presse consacrée à la politique monétaire en 1974. La Suisse, comme d’autres pays à cette époque, venait alors tout juste de passer au régime des changes flottants: le franc ne s’échangeait plus à un taux fixe, et son cours pouvait très vite être soumis à de fortes variations. Or de telles fluctuations sont le plus susceptibles d’affecter de petites économies ouvertes comme la Suisse. D’où la décision relativement précoce de la BNS de tenir des conférences de presse. Il lui importait d’informer régulièrement les marchés de ses décisions de politique monétaire.
Ces dernières décennies, les banques centrales sont devenues plus enclines à communiquer. Cette tendance s’inscrit certes dans une évolution sociétale plus vaste, où les gouvernements et les entreprises communiquent davantage. Mais dans le cas des banques centrales en particulier, elle se fonde aussi sur les sciences économiques et sur l’importance accrue donnée aux anticipations du marché. En effet, toute anticipation influe sur le comportement des agents économiques. Prenons l’exemple de la boucle prix-salaires, où les salariés, dans une perspective de hausse des prix, revendiquent une rémunération plus élevée et où les entreprises répercutent cette augmentation sur les prix. Par un meilleur ancrage des anticipations d’inflation, une banque centrale peut empêcher ce phénomène. Elle doit à cet effet communiquer de manière claire et crédible son engagement de maintenir l’inflation à un niveau faible.
Au tournant du millénaire, de nombreuses banques centrales ont changé de stratégie pour se concentrer plus explicitement sur l’inflation. La BNS a introduit sa nouvelle stratégie de politique monétaire en 1999. Depuis, nous l’adaptons en cas de besoin, sans pour autant nous écarter des principes de base. Cette stratégie fixe les modalités de mise en œuvre de notre mandat, qui consiste à assurer la stabilité des prix en tenant compte de l’évolution de la conjoncture. Elle se compose de trois éléments: d’abord, une définition de la stabilité des prix, assimilée à une hausse annuelle des prix comprise entre 0% et 2%; ensuite, une prévision d’inflation conditionnelle à moyen terme que nous publions lors de chaque examen de la situation économique et monétaire; principal indicateur pour la décision de politique monétaire, elle joue également un rôle clé dans notre communication; et enfin, la mise en œuvre de notre politique monétaire, que nous assurons en fixant notre taux directeur et en recourant, si nécessaire, à d’autres mesures. La communication est au centre de cette stratégie.
Enjeux de la communication pour les banques centrales
En quoi la communication est-elle si essentielle à nos yeux? Sa vocation est de nous aider à façonner les anticipations du marché concernant les taux d’intérêt de sorte à favoriser la stabilité des prix. Lorsque vous entendez «politique monétaire», il y a de fortes chances que la première chose qui vous vienne à l’esprit soit «taux directeur» – et pour cause. Chaque trimestre, celui-ci fait les gros titres après notre examen de la situation économique et monétaire. Le taux directeur a beau se trouver sous le feu des projecteurs, les anticipations n’en restent pas moins cruciales pour la politique monétaire: à quel niveau l’inflation se situera-t-elle à l’avenir? Comment les taux d’intérêt évolueront-ils? Les décisions des entreprises et des ménages se basent sur de telles anticipations. Or celles-ci reposent en partie sur notre manière de communiquer.
La communication nous permet de faire connaître notre engagement en faveur de la stabilité des prix et d’expliquer comment nous nous y prenons pour maintenir cette stabilité à moyen terme. Lorsque nous communiquons cet engagement de manière claire et crédible, tant le public que les marchés s’attendent à ce que l’inflation reste à long terme conforme à notre définition de la stabilité des prix. Par conséquent, ils anticipent à leur tour des taux d’intérêt compatibles avec cette définition.
J’ai montré comment la communication nous aide à garantir la stabilité des prix – en ancrant les anticipations d’inflation. Mais la communication est aussi importante pour une autre raison. Elle fait partie intégrante de l’obligation de rendre compte. La Constitution fédérale confie à la BNS la conduite de la politique monétaire et garantit son indépendance. Lorsque nous prenons une décision de politique monétaire, nous ne pouvons recevoir aucune instruction de qui que ce soit – ni du Conseil fédéral, ni de l’Assemblée fédérale, ni d’aucune autre entité. En contrepartie de cette indépendance, la BNS a l’obligation de rendre des comptes et d’expliquer ses décisions pour informer le public de ses actions.
Moyens de communication existants et nouveautés
Les exposés tels que celui d’aujourd’hui constituent l’un des moyens d’expliquer notre politique monétaire. Il y en a beaucoup d’autres. Nous rendons ainsi régulièrement des comptes à l’Assemblée fédérale. Nous examinons la situation économique avec le Conseil fédéral et l’informons de notre politique monétaire.
La Direction générale tient en outre des conférences de presse pour expliquer ses décisions de politique monétaire et présenter son point de vue sur l’économie, et pour répondre ensuite aux questions des journalistes. Les membres de la Direction générale accordent de plus des entretiens et participent à des tables rondes.
La Banque nationale publie aussi un certain nombre de rapports et de documents, comme le Rapport de gestion, le Rapport sur la stabilité financière et le Bulletin trimestriel. Par ailleurs, elle publie régulièrement des communiqués de presse et met à disposition sur son site Internet un grand nombre d’informations, qui vont de données statistiques à des directives techniques en passant par des explications de fond.
En plus des moyens que je viens de mentionner, nous continuons à en élaborer de nouveaux, afin de contribuer à faire connaître notre politique monétaire. Ainsi, nous avons doublé la fréquence de nos conférences de presse en 2022 et nous en tenons désormais une après chaque examen de la situation économique et monétaire. L’année dernière, nous avons lancé une nouvelle série de publications intitulée SNB Economic Notes. Il s’agit de contributions où des collaboratrices et collaborateurs traitent différents thèmes d’actualité en se fondant sur leurs travaux de recherche à la BNS. Pour un plus large public, nous avons mis au point le site «Comprendre la BNS», qui fournit des réponses simples aux questions les plus fréquentes sur la BNS. Nous allons également publier les diapositives accompagnant les présentations des membres de notre Direction générale lors d’événements externes, afin de faire connaître les thèmes abordés.
J’ai du reste aujourd’hui le plaisir de vous annoncer qu’une nouveauté viendra compléter nos moyens de communication relatifs à la politique monétaire. Dès le prochain examen trimestriel, nous publierons une synthèse des discussions qui auront servi de base à notre décision de politique monétaire. Cette synthèse paraîtra quatre semaines après notre décision de politique monétaire et portera sur les deux jours précédant l’annonce de cette décision. En plus de notre appréciation de la situation économique et monétaire, elle reprendra les principaux points des discussions menées par la Direction générale. Elle vise à mieux faire comprendre la manière dont nous mettons en œuvre notre stratégie de politique monétaire dans une situation donnée.
Par la publication de cette synthèse, la Banque nationale s’inscrit dans une tendance internationale. En effet, il est désormais courant pour les banques centrales de rendre compte, chacune à sa manière, de leurs discussions de politique monétaire. En ce qui nous concerne, la synthèse que nous publierons reflétera le cadre juridique et institutionnel de notre pays ainsi que le contexte particulier de la Suisse. À l’instar du Conseil fédéral et des exécutifs cantonaux, la Direction générale de la BNS est une autorité collégiale, dont chacun des membres présente son propre point de vue. Nous en discutons pour arriver à une décision collective. Une fois cette décision prise, elle est présentée d’une seule voix.
Cela m’amène à poser la question de la transparence et de ses limites. La transparence relative à nos objectifs et à la manière dont nous entendons les réaliser nous aide à accomplir notre mandat. Elle renforce notre crédibilité en permettant au public de comprendre notre action. Mais, comme je viens de le mentionner, cette transparence a ses limites. Il est essentiel que les membres de la Direction générale puissent discuter ouvertement de la situation économique et monétaire. Le fait que leurs débats soient publiés ne doit pas les dissuader d’exprimer librement leur point de vue. Pour autant, la communication relative à notre politique monétaire doit être claire et cohérente. C’est pourquoi notre synthèse ne détaillera pas les points de vue des uns et des autres. Elle présentera bien plutôt les délibérations et la décision de la Direction générale prise comme un tout.
Conclusion
Pour conclure, permettez-moi de réaffirmer que la communication est essentielle à l’accomplissement de notre mandat. Notre décision de publier la synthèse de nos discussions relatives à la politique monétaire nous permet de compléter nos instruments de communication. Cette mesure reflète l’importance que nous accordons à la transparence pour ce qui est de nos objectifs et de la manière dont nous les réalisons. Ces dernières années ont montré à quelle vitesse les conditions économiques peuvent changer, que ce soit sous l’effet de la pandémie ou de revirements affectant la politique commerciale internationale. Il est important que le public comprenne comment nous appliquons notre stratégie dans de telles conditions en vue d’assurer la stabilité des prix.
Lors de mon intervention, j’ai commencé par évoquer nos visites – comme celle organisée aujourd’hui par l’Association tessinoise des banquiers. Nous apprécions ces moments qui sont pour nous l’occasion d’expliquer notre travail. Nous y exposons souvent la manière dont nous évaluons la situation économique et présentons notre politique monétaire. Aujourd’hui, j’ai abordé un sujet fondamental: notre communication. J’espère avoir montré son importance dans l’accomplissement de notre mandat en tant que banque centrale indépendante. Au fil du temps, nous avons ajusté notre communication, et nous continuons de le faire, toujours dans le but d’accomplir notre mandat le mieux possible.
Martin Schlegel*
Président de la Direction générale
Banque nationale suisse
Vezia, le 10 septembre 2025
© Banque nationale suisse
- L’intervenant remercie Raphael Reinke pour son précieux concours durant la préparation de cet exposé. Il adresse également ses remerciements à Claudia Aebersold, Alain Gabler, Christoph Hirter, Carlos Lenz et Tanja Zehnder, ainsi qu’aux services linguistiques de la BNS.