Un nouveau rôle pour les banques centrales?

Thomas Jordan, président de la Direction générale

Zürcher Volkswirtschaftliche Gesellschaft, Zurich, 16.01.2014

Après les turbulences provoquées par la crise financière mondiale, les banques centrales ne doivent-elles pas, elles aussi, reconsidérer leur rôle? Dans leur fonction de "pompiers", les banques centrales ont obtenu des résultats assez probants jusqu'ici. Elles ont évité un effondrement de l'économie mondiale et soutenu le système bancaire. Mais ce succès a un revers: d'une part, il risque d'éveiller l'impression que traiter les problèmes structurels à la racine n'est absolument pas nécessaire; d'autre part, les attentes extrêmement élevées qu'il a générées sont des plus dangereuses. Les banques centrales ne sont tout simplement pas à même de porter la croissance économique et l'emploi au niveau souhaité.

Par contre, au moyen de la politique monétaire, les banques centrales se doivent d'accomplir le mandat que leur a assigné le législateur, et qui est en général axé sur la stabilité des prix. C'est aussi le cas de la Banque nationale suisse (BNS). Son mandat est raisonnable, convaincant et réalisable. La définition claire de la stabilité des prix a, elle aussi, fait ses preuves. C'est pourquoi le rôle de la BNS dans le domaine de la politique monétaire ne devrait en rien changer. La Banque nationale ne se contentera pas de suivre la tendance du moment en matière de politique monétaire. Elle restera sur la voie qu'elle juge adaptée aux besoins de notre pays.

Dans le domaine de la stabilité financière, les banques centrales se sont vu confier des compétences supplémentaires, mais aussi de nouveaux instruments. En effet, la crise a montré que l'approche traditionnelle, qui s'appuie exclusivement sur la force de la parole et la capacité des banques centrales à prendre des mesures curatives quand certaines limites ont été franchies, peut s'avérer très coûteuse. C'est pourquoi, suivant le principe qu'il vaut mieux prévenir que guérir, de nouveaux instruments macroprudentiels ont été élaborés à l'échelle internationale. Le rôle de la BNS a par là même été élargi ponctuellement. Les mesures les plus connues en la matière sont assurément le volant anticyclique de fonds propres et la détermination des banques et des fonctions d'importance systémique. La Suisse a opté pour un cadre réglementaire léger, dans l'ensemble, qui attribue des compétences claires à des institutions existantes en tenant compte des points forts de chacune d'elles. Cette démarche prudente, qui ne permet pas la concentration des pouvoirs, est judicieuse pour notre pays.

Les banques centrales ne devraient pas être contraintes d'endosser un rôle qui suscite des attentes irréalistes et de faux espoirs. Une banque centrale apporte, à long terme, la plus grande contribution possible à la prospérité de l'économie pour autant qu'elle s'appuie sur un mandat clair, et qu'elle résiste systématiquement aux attentes trop élevées à son égard. En remplissant les tâches qui lui incombent dans les domaines de la stabilité des prix et de la stabilité financière, elle conforte la confiance de la population et des marchés. Cette confiance, précisément, est capitale pour l'économie.