En Europe, mais hors de l'UEM – leçons et perspectives

Philipp Hildebrand, membre de la Direction générale

Chambre de commerce Suisse-Grande-Bretagne, Genève, 23.04.2004

Le Royaume-Uni et la Suisse font partie de l'Europe sur le plan géographique, mais ne sont pas membres de l'Union économique et monétaire (UEM). Les deux pays ont une longue tradition de libre-échange et d'intégration au niveau mondial, qui s'inscrit, en principe, dans le cadre d'accords multilatéraux, au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) par exemple. L'attitude des deux pays en ce qui concerne une éventuelle adhésion à l'UEM est marquée par des traditions différentes dans les domaines du droit, de la politique et de l'économie.

Le Royaume-Uni a réussi, après la crise de la fin des années septante, à lancer d'importantes réformes de politique intérieure. Ces dernières années, il a enregistré une croissance admirable et, de ce fait, rechigne à entrer à l'UEM, une zone moins dynamique. La Suisse en revanche n'a jamais dû faire face à une crise grave dans son histoire récente. Des réformes structurelles ont été entreprises graduellement et uniquement dans certains domaines, le marché du travail constituant un parfait exemple à cet égard.

Une leçon tirée des expériences faites par le Royaume-Uni montre qu'il serait faux de préconiser une adhésion de la Suisse à l'UEM afin de faciliter l'adoption de réformes structurelles impopulaires. En tant que membre de l'UEM, la Suisse perdrait la maîtrise de sa politique monétaire, mais aussi, au moins dans une certaine mesure, sa marge de manœuvre en matière de politique fiscale. Sans ces mécanismes de compensation, les coûts des réformes structurelles dans le domaine économique augmenteraient vraisemblablement. En outre, la Suisse perdrait l'avantage de taux d'intérêt bas, avantage qui s'explique, du moins en partie, par une politique monétaire autonome menée avec succès pendant de nombreuses années. C'est pourquoi il est inopportun de lier une adhésion à l'UEM à la question des réformes économiques à réaliser sur le plan intérieur. Si la Suisse veut relever sérieusement son potentiel de croissance et, partant, assurer l'avenir de ses systèmes traditionnels d'assurances sociales et de prévoyance, elle n'a pas d'autres choix que de lancer directement et de manière autonome des réformes économiques.